Nous avons déjà toustes vécu cette situation : vous racontez votre journée à votre conjoint.e ou à un.e ami.e, vous vous livrez, cette conversation est importante pour vous. Et la personne à qui vous vous adressez est sur son téléphone. Vous parlez, vous donnez des détails, les émotions montent, c’était vraiment une grosse journée, et la personne vous répond « oui », « ok », « ah ouais ? ». Elle a même l’AUDACE de sourire à son téléphone pendant quelques secondes. Pendant que vous, vous parlez clairement dans le vide. La tension commence à monter de votre côté, frustration, colère.

Quelle est votre réaction ?

A : « Si je te fais chier, tu n’as qu’à le dire »

B : Vous prenez le téléphone et vous le jetez par terre.

C : Vous vous levez et vous partez ruminer dans un coin « non, il y a rien c’est bon ».

D : « Je vois que tu es sur ton téléphone, j’avais envie de te partager ma journée car elle a été hyper intense, je me sens seul.e quand tu es sur ton téléphone et j’ai besoin de te parler car tu es important.e pour moi, est-ce que tu es OK pour qu’on en reparle quand tu auras fini ce que tu es en train de faire ? »

Si vous avez répondu D, vous êtes le maître zen de la communication non violente (CNV), vous pouvez arrêter la lecture ici, bravo.

Si vous avez répondu A, B ou C, je vous invite à lire la suite.

La communication non violente, d’où ça sort ?

Marshall Rosenberg, docteur en psychologie clinique, crée dans les années 1960 aux États Unis un outil de communication qui permet de transformer des conversations conflictuelles, des altercations ou de grosses engueulades en « simples » dialogues.

L’objectif ? Arriver à une meilleure communication avec les autres et avec soi-même, à base d’empathie, d’authenticité et de respect. En suivant des étapes définies lors d’un échange oral (ou écrit), vous devriez arriver à désamorcer les situations les plus complexes sans perdre votre sang froid.

Même quand votre voisin fait chier son chien devant votre porte, oui, même là.

Qui peut utiliser la CNV, et dans quelles situations ?

En soit, toute personne voulant utiliser la CNV peut le faire. A la caisse d’une épicerie, chez vos beaux-parents, avec vos enfants, votre big boss, votre stagiaire, votre conjoint.e, et même votre animal de compagnie si vous le souhaitez.

Pour le dire autrement, toute personne ayant envie de communiquer de manière authentique et efficace peut utiliser cet outil. Il n’est pas nécessaire que la personne en face de vous connaisse cet outil, mais s’il s’agit d’une personne dont vous êtes proche, cela peut être intéressant de lui parler de la technique quand vous en ressentirez le besoin. Cela peut parfois être fatiguant d’être la seule à essayer de communiquer de manière respectueuse avec une personne avec qui vous êtes régulièrement en conflit. Lorsque vous échangez avec une personne pratiquant la communication non violente, les conflits deviennent de vrais dialogues, et les objectifs de collaboration et de respect mutuel sont toujours présents.

Les 4 étapes de la communication non violente : OSBD 

Observation : observer les faits

« lorsque je vois », « lorsque j’entends », « j’observe »

Mettre de côté son jugement en évaluant la situation d’un point de vue objectif. On se base sur les faits.

« Lorsque je vois que tu es sur ton téléphone pendant que je te parle, … »

Sentiments : reconnaître ses sentiments, émotions

« je me sens »

Qu’est ce que je ressens, là ? En gardant toujours un point de vue objectif, sans jugement, on identifie les émotions soulevées par la situation : tristesse, colère, peur, solitude, surprise, dégoût …

« Lorsque je vois que tu es sur ton téléphone pendant que je te parle, je me sens seule, … »

Besoin : exprimer ses besoins

« parce que j’ai besoin de », « j’aspire à », « j’ai à cœur de », « ce qui est important pour moi, c’est », « j’aimerais »

« Quel est mon besoin ? », qu’est ce qui fait que je ressens cette émotion ? Quel est le besoin sous-jacent ? Ah, là, ça se complique. Ça se complique car nous sommes si souvent déconnectés de nos besoins. Une fois que l’on met le doigt dessus, le rapport à l’autre change. Eh oui, parce que tout à coup, une fois que j’ai compris que j’ai besoin de créer un lien avec cette personne parce que je l’aime, ben j’ai un peu moins envie d’éclater son téléphone par terre. Déjà parce que si je le fais, je vais devoir payer un nouveau téléphone, ensuite parce que cela va détériorer notre relation. Oui, j’ai envie que le lien soit conservé, j’ai même besoin que ce lien soit toujours là.

Et puis, je ne sais pas pourquoi elle est sur son téléphone ? Est ce qu’elle attend des nouvelles de sa mère qui est à l’hôpital ? Est-ce qu’elle a eu une grosse journée et elle a besoin de lâcher la pression en utilisant son téléphone ? Peut-être est-elle simplement accro à son téléphone et elle ne réalise pas que cela me dérange. Peut-être qu’elle aussi, elle a des besoins, et que je ne suis pas toute seule dans l’histoire… Si je n’en parle pas, je vais ruminer, et la situation ne s’améliorera pas.

Revenons à nos besoins, donc.

Quelques besoins humains fondamentaux : la survie (repos, lumière) la sécurité (confiance, soutien), la liberté (indépendance, spontanéité), l’identité (affirmation de soi, intégrité), les besoins relationnels (amour, respect), la participation (connexion, coopération), l’accomplissement de soi (expression, réalisation), le sens (comprendre, communion), la récréation (détente, rire), la célébration (partage des joies, peines, reconnaissance).

« Lorsque je vois que tu es sur ton téléphone pendant que je te parle, je me sens seule, et j’aimerais beaucoup pouvoir te raconter ma journée parce que tu comptes beaucoup pour moi et il s’est passé quelque chose d’important dont j’aimerais te parler, …»

Demande : formuler sa demande

« est-ce que tu serais d’accord pour …? »

Ici, nous parlons d’une demande claire, bienveillante, positive, concrète et réalisable. Une demande qui devrait satisfaire vos besoins. Attention, cette demande doit également permettre de répondre aux besoins de l’autre personne. Il ne s’agit pas de poser une exigence. C’est maintenant que le dialogue s’ouvre et il devrait, en théorie, être plus détendu, plus neutre, avec moins d’émotions négatives. Vous avez eu le temps d’identifier ce qui se passe en vous, et votre objectif n’est plus d’avoir raison, ni de soumettre l’autre à votre volonté, mais simplement d’échanger de manière sincère avec une personne pour que les besoins de chacun soient entendus et respectés.

« Lorsque je vois que tu es sur ton téléphone pendant que je te parle, je me sens seule, et j’aimerais beaucoup pouvoir te raconter ma journée parce que tu comptes beaucoup pour moi et il s’est passé quelque chose d’important dont j’aimerais te parler. Est-ce que tu serais d’accord pour ne plus jamais toucher ton téléphone en ma présence car je suis plus importante que tout le reste dans ta vie ? me dire quand tu auras fini ce que tu es en train de faire pour qu’on en reparle ?»

Ok, mais en pratique, lors d’un conflit, comment ça se passe ?

Vous venez de lire les 4 étapes et vous vous dites : « alors oui, pourquoi pas, mais disons que quand je suis énervé.e, écouter l’autre, c’est pas vraiment spontané chez moi ».

Je comprends. Lorsque nous sommes en conflit avec quelqu’un, il y a 2 clés :

  • oublier ce que je crois savoir de l’autre

Pourquoi ? Parce que cela fausse notre compréhension de la situation. L’idée est d’être le plus objectif possible pour permettre un dialogue sincère, en dépassant nos croyances.

  • offrir une écoute bienveillante. A l’autre, et à soi-même.

Écouter avec empathie ce n’est pas : moraliser, surenchérir, consoler, s’apitoyer, parler de soi, diagnostiquer, conseiller, clore la question, dévier, investiguer, expliquer ou encore analyser.

Écouter avec empathie, c’est accueillir ce qu’amène l’autre, juste écouter.

Si vous êtes comme moi, vous avez tendance à vouloir tout de suite apporter une solution, à essayer de l’aider, de lui donner des conseils. Tut tut tut, c’est fini ça. Pourquoi ? Parce qu’en écoutant avec empathie, on permet à l’autre de reprendre la responsabilité de ce qui lui arrive. La reformulation « est ce que tu te sens X parce que tu as besoin de X ?» permet à la personne d’entendre (peut-être pour la première fois) ses propres mots, de prendre du recul par rapport à sa situation, recul qui lui offre la possibilité de rectifier, préciser, ou approfondir sa pensée. Et de trouver ses propres ressources pour avancer.

  • Voici quelques conseils lors d’un conflit :
  1. Prendre conscience de son propre agacement.
  2. Pratiquer l’auto-empathie pour gérer ses émotions : s’arrêter, prendre acte de ses sensations physiques, noter les pensées, les jugements, laisser venir les émotions et les besoins qui en découlent.
  3. Écouter l’autre et reformuler. La reformulation permet de désamorcer la colère en permettant à l’autre de se sentir compris. Elle nous assure que l’on a bien compris ce que l’autre nous dit, et parfois autorise l’autre personne à préciser ce qu’elle souhaite dire, en ajoutant des détails.
  4. Si vous n’arrivez pas à écouter l’autre, vous pouvez partager ce que vous ressentez et vos besoins.
  5. Formuler une demande claire, en étant prêt à accueillir une réponse pas idéale.
  6. Reformuler ce que dit l’autre pour dissiper les malentendus.

La communication non violente est un outil magique. Elle permet non seulement de désamorcer les conflits mais aussi de se reconnecter à soi-même. Prendre conscience de ses besoins, être plus « vrai », authentique, tout en respectant les autres. Personnellement, j’essaie d’éviter au maximum les conflits car je déteste ça. Mais j’ai pu, lors des conflits que j’ai rencontrés dernièrement, utiliser cet outil, plutôt que de ne rien dire comme j’avais l’habitude de le faire. Cela m’a permis de verbaliser mes besoins et d’être fière de moi-même, d’enfin oser dire ce que je ressens tout en sachant que je le fais dans un cadre safe pour moi et pour les autres.

Je suis curieuse de savoir si vous avez déjà testé cet outil, ce que vous en pensez, si vous avez identifié des limites ou des contraintes ?

Sources :

Geneviève Bouchez Wilson et Pascale Molho, La communication non violente, 2016, Leduc.s Editions

Psychologies, «Qu’est ce que la communication non violente ?», Janvier 2020

Etre-optimiste.fr, Les règles d’or de la communication non violente, Juin 2016

Passeport Santé, La communication non violente, Janvier 2018

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